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Le 11 septembre 2001, j’étais professeur de lycée professionnel à Rennes et, outre les réflexions désobligeantes de quelques élèves, peu nombreux, j’avais été choqué par la réaction de plusieurs collègues, qui avaient émis le jugement expéditif : « C’est bien fait ».
Le lendemain, j’affichais alors en salle des profs mon sentiment :
Barbarie
Ce jour, les tours du World Trade Center ne sont plus. Cette disparition du symbole de la toute puissance américaine, de ce double phallus planétaire, ne m’émeut pas particulièrement mais je suis profondément bouleversé par ces milliers de morts déchiquetés, brûlés, ensevelis sous des tonnes d’acier et de béton. Comment un esprit humain a-t-il pu concevoir puis réaliser une telle horreur ? Il n’existe pas de mot qui me permette d’exprimer mon sentiment profond. Il n’existe pas de voie dans mon esprit pour digérer les images vues et les placer dans la conscience de la réalité. Nous nous réfugions dans le refus. L’image fait écran pour nous protéger de l’inacceptable. Comment ressentir le vrai ? Comment appréhender la souffrance et la mort ?
Je me sens coupable, comme probablement des millions de gens, coupable d’être là, presque spectateur d’un drame qui reste virtuel, laminé par notre égoïsme et la banalisation de l’horreur. Non, ce n’est pas vrai : nous ne pouvons pas dire que ce n’est qu’un acte de barbarie comme l’homme en commet régulièrement, la victime ayant été le bourreau à un autre moment. Non, nous ne pouvons pas hiérarchiser les faits sous prétexte qu’on a moins parlé de tel ou tel autre drame tout aussi terrible en Afrique, en Asie ou ailleurs. Non, nous ne pouvons opposer le constat que les puissants n’aient pas fait acte de contrition ou n’aient pas puni les coupables voire même n’aient pas condamné l’horreur.
Chaque douleur est nouvelle. Elle ne se compare pas. Et nous devons pleurer, même si ça ne suffit pas.
(in Chambres de bonnes – 12 septembre 2001)
Un an plus tard, le gouvernement américain préparait l’invasion de l’Irak, effective en mars 2003, malgré des millions de manifestants contre la guerre de par le monde.J’étais parmi eux.
La guerre de trop n’aura pas lieu
Un an déjà ; je criai ma colère et ma peine. Ma colère envers les « C’est bien fait ! » et ma peine pour les faits, ceux qui font mal.
J’avais pleuré, pensant que l’eau salvatrice éteindrait les flammes même si elle ne dispersait pas les cendres.
J’aurais rêvé, malgré le cauchemar, d’une réconciliation impossible, relent récurrent d’éducation chrétienne.
« I had a dream » a dit l’autre et il fut assassiné.
« Delenda Carthago » dit Sam l’empereur, décidément frappé de cécité.
Hélène, dis-moi que l’amour est plus fort que la guerre.
( in Chambres de bonnes – 12 septembre 2002)
La guerre a déferlé sur l’Irak au printemps 2003. Mauvais temps pour le sable : une nouvelle tempête hurlait sous le soleil du désert.
Les mots sont tombés, secs et lourds comme des bombes.
Soleil de plomb
C’est un beau mois de Mars La chaleur sur les champs Dans le ciel bleu acier passent des becs chargés des messages d’occident. Le feu de Jupiter trace des sillons sur l’étable comme les chars à voiles déroulant sur les toiles des volutes de sable À Bagdad le printemps grince et grimace Les rires des enfants au loin s’effacent Et meurent de terreur
( in Chambres de bonnes – 6 avril 2003)
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